Le Puy-de-Dôme et sa chaîne de volcans sont parsemés de coulées de lave. La plupart sont composées de basalte. Mais c’est au puy de la Nugère, entré en activité il y a onze mille ans, que nait une roche unique en son genre : la pierre de Volvic. Ces coulées de trachy-andésites se situent près de la commune de Volvic en Basse Auvergne.
La pierre de Volvic est une pierre de lave, volcanique, sombre, grise, avec des reflets variés, parfois clairs ; elle revêt des petites bulles à sa surface, autant d’imperfections qui troublent finement son caractère lisse. Outre son apparence, cette pierre est unique par sa substance : indestructible, elle résiste à l’eau, au gel, au feu, à la compression, à la putréfaction et aux acides. Cela en fait un matériau de choix pour les constructions ou pour les sculptures. En refroidissant, elle a emprisonné du gaz sous forme de petites bulles aux parois fines, qui la rendent facile à découper, à tailler et à sculpter. Relativement légère, poreuse, elle est tendre à souhait et n’éclate pas quand on la travaille.
Elle est utilisée dès le Moyen-Âge pour des édifices majestueux, tels que la cathédrale de Clermont-Ferrand ou la basilique Saint-Amable de Riom. Les puissants la recherchent pour leurs maisons et palais. Elle connaît un nouvel essor au XIXe siècle. Lors de la révolution industrielle, ses qualités techniques la placent au cœur de plusieurs inventions ; le comte de Chabrol-Volvic, préfet de la Seine à partir de 1812, la fait utiliser pour les bordures de trottoirs notamment. Ses capacités exceptionnelles de résistance en font également à cette époque un matériau recherché dans les usines d’acides, d’explosifs et d’engrais. Michelin l’utilise pour produire des plaques signalétiques. Réputée y compris à l’étranger, on retrouve la pierre de Volvic jusqu’en Indonésie, ou dans les murs de salles de bains appartenant à la reine d’Angleterre.
Utilisée au XIXe siècle dans les usines et laboratoires, la pierre de Volvic disparaît du même coup des ateliers de sculpteurs, et les techniques traditionnelles se perdent. C’est pourquoi cette pierre n’est plus que rarement utilisée à des fins artistiques. Paul Natter s’y intéresse néanmoins très jeune, dès ses années de formation en sculpteur-ornemaniste, alors qu’il restaure les statuaires de cathédrales et abbayes. Il découvre cette pierre et y trouve une résistance à la mesure de sa force, une polyvalence à même de répondre à la diversité de ses productions (tantôt monumentales ou tantôt fines et stylisées), une couleur sombre que la patine peut assombrir si besoin. Il s’en fait une spécialité, se fournissant à Volvic même.
Aujourd’hui, la pierre de Volvic est concurrencée dans son usage traditionnel par des pierres volcaniques italiennes et asiatiques, moins chères. L’extraction est restée semi-artisanal, ce qui lui permet un positionnement haut de gamme sur des marchés de niches. On estime que la pierre de Volvic pourrait être épuisée d’ici un siècle tandis qu’on en extrait actuellement 800 m3 par an. Sa rareté et son prix contribuent à faire aujourd’hui de la pierre de Volvic une pierre quasi précieuse.
La panthère, illustrée ci-contre, est une production remarquable de Paul Natter, pesant plus de 200 kg. Elle est issue d’un seul et même bloc de pierre. Paul Natter a finement cabré le cou de l’animal pour lui conférer un élan mesuré. La finesse et la courbe harmonieuse de la queue répondent au caractère arrondi et grave de la tête. La panthère est représentée en mouvement sur une fine plaque ne dépassant pas 10 centimètres. De taille réelle, cette sculpture est une prouesse d’équilibre, reflétant une grande maitrise technique, mais également un savant mélange entre représentation réaliste et stylisée. Elle illustre parfaitement la modernité de la pierre de Volvic : une substance dur et profonde, une couleur métallisée absorbant les reflets, un toucher lisse avec de légers reliefs.